terça-feira, 3 de outubro de 2017

LILIAN PESTRE DE ALMEIDA | Pier-Paolo Pasolini et l’anthologie de Mario Pinto de Andrade sur la poésie nègre de langue portugaise


Introduction
En 1961, deux ans après le deuxième Congrès des écrivains et artistes noirs [1] à Rome en 1959, l’Angolais Mario Pinto de Andrade, secrétaire d’Alioune Diop, à Présence Africaine (librairie, revue littéraire et maison d’édition) de la Rue des Écoles à Paris, publie chez Editori Riuniti, une grande anthologie sur la poésie nègre. [2] Son nom: Letteratura negra. I Poeti. Elle est accompagnée d’un second volume sur la prose, organisé par le Guadeloupéen Léonard Sainville: I Narratori.
Sortie après celle de Damas, de 1947, et celle de Senghor, de 1948, c’est sans doute l’une des plus complètes anthologies: elle a 443 pages. [3] Mario de Andrade y réunit des poètes de langue française, anglaise, espagnole et portugaise en plus d’exemples de la poésie populaire et traditionnelle d’Afrique et des Amériques. La Fondation Mario Soares à Lisbonne possède des documents sur cette double publication qui peuvent, d’ailleurs, être facilement consultés en ligne. [4]
Cette anthologie sur la poésie est importante pour plusieurs raisons, la plus évidente étant qu’elle est pratiquement inconnue hors d’Italie. Et surtout parce qu’elle ouvre des pistes nouvelles à la recherche:

a) d’une part, la préface est signée par un grand poète et un homme de culture, Pier Paolo Pasolini, qui établit un contrepoint intéressant, du point de vue stylistique et idéologique, entre la poésie de la résistance européenne des années 40 contre le nazi-fascisme et la production nègre qu’il essaie de définir dans ses sources, sa diversité et sa poétique sans oublier encore une stratégie politique de révolution;
b) d’autre part, Mario Pinto de Andrade, par sa situation personnelle de locuteur africain lusophone, s’ouvre de façon évidente à la production de l’Afrique encore portugaise et restreint radicalement, en toute connaissance de cause, la participation brésilienne à un seul et unique nom de poète (Solano Trindade), ce qui ne manquerait pas de susciter surprise et sans doute malaise si cette anthologie était connue hors d’Italie et enfin,
c) ce recueil poétique propose également, sans que son auteur ne le dise nulle part explicitement, une nouvelle carte géographique et historique de la “poésie de la négritude” en réponse aux géo-poétiques de Damas (anthologie de 1947 [5] et plus tard de 1966) [6] et de Senghor (anthologie de 1948). C’est, si l’on veut un tout autre point de vue, qu’il faudra approfondir.

Nous avons déjà analysé les deux anthologies de Damas, celle de 1947 qui précède l’anthologie de Senghor de 1948 (celle-ci largement plébiscitée par la célèbre préface de Sartre), et celle de 1966 qui suit la connaissance par le Guyanais du Brésil, visité en 1964 et 1965. [7] Nous y renvoyons nos lecteurs. [8]
Dans un livre récent également, Césaire hors frontières, nous avons voulu dégager non seulement les rapports entre Césaire et le secrétaire de Présence Africaine, Mario Pinto de Andrade, mais aussi tout un pan historique, politique et culturel de l’Afrique et de l’Amérique lusophones, [9] pan encore mal connu ou mal perçu en France. La participation d’un Angolais à correction des troisièmes épreuves du Cahier d’un retour au pays natal en 1956 interpelle forcément le lecteur français ou francophone.
L’évolution des deux intellectuels, à la fois écrivains et hommes politiques, est apparemment, jusqu’à certain point, parallèle: ils ont néanmoins 15 ans de différence et Mario Pinto de Andrade, né en Angola, vieille colonie portugaise d’Afrique occidentale, parle également kimbundo. C’est la langue du “quintal , autrement dit: de la  “cour arrière. Il lui arrivera non seulement d’écrire des poèmes dans cette langue comme d’en publier des articles pionniers sur linguistique africaine. [10] La langue “autre est donc, chez Mario Pinto de Andrade, à la fois objet d’étude et matériau de création. Il a soutenu, du point de vue culturel, l’enseignement du kimbundo à l’école, dans son “aire géographique” par ailleurs fort étendue, ignorant ou mieux: dépassant largement les frontières artificielles, tracées par les colonisations française, portugaise, anglaise ou belge. L’aire des langues bantoues – le kimbundo en est une – descend du golfe de la Guinée jusqu’au Sud de l’Afrique. En comparaison, le rapport de Césaire au créole, langue populaire des Antilles françaises, est à étudier à un autre niveau, celui de la réécriture littéraire de l’oralité traditionnelle et de ses genres à travers le français, la langue de l’Autre. C’est au fond une stratégie de  “Détour”  dans une culture de marronnage.
Mario Pinto de Andrade et son frère aîné, Joaquim, entrent encore adolescents au séminaire à Luanda, seul moyen pour des noirs, dans cette colonie portugaise, de faire de bonnes études. La vie des deux frères et leur action culturelle et politique se déroule ensuite en une série d’exils, suivis de séjours dans de différentes pays d’Europe et d’Afrique. Joaquim connaît encore la prison, souvent dans des conditions très dures, dans de différents endroits de l’Empire portugais.
Mario Pinto de Andrade organise, d’autre part, les premières anthologies de poésie nègre lusophone (cinq anthologies en tout, au long de sa vie) et cette activité de diffusion littéraire et culturelle le rapproche d’un autre “père” de la Négritude, le Guyanais Léon-Gontran Damas et d’une certaine manière de Léopold Sédar Senghor. [11] Il est enfin le premier essayiste angolais à écrire et à publier sur l’Afrique lusophone du point de vue sociopolitique. [12]
Nous proposons ici:

a) la description de l’anthologie proprement dite de Mario de Andrade et la discussion critique de ce qui peut surprendre encore aujourd’hui: la présence d’un poète argentin encore du XIXe siècle, le choix des poèmes antillais, en particulier ceux de Césaire, et essentiellement la place très réduite de la production brésilienne; 
b) l’analyse de la Préface de Pasolini avec, en annexe, la traduction en français de ce texte à plusieurs égards surprenant: c’est aux lecteurs de juger de l’originalité et de la pertinence de cette lecture pasolinienne, au ton souvent imprévu et oral que nous avons essayé de garder dans notre traduction;
c) une dernière hypothèse serait à vérifier: dans quelle mesure cette anthologie de poésie nègre ne suscite-t-elle pas, ou ne renforce-t-elle pas, l’intérêt pasolinien pour l’Afrique ? Nous supposons que la réception critique d’un recueil de poèmes rassemblés par un Africain accompagne la prise de contact de Pasolini avec le potentiel révolutionnaire de l’Afrique en tant que continent “nouveau”. D’ailleurs, quel est le concept, pour Pasolini, de l’Afrique? Il lui arrive de soutenir, dans son texte, que la poésie nègre commence à la banlieue de Rome.
  
Description de l’anthologie de Mario Pinto de Andrade:
Avant de décrire du point de vue textuel Letteratura negra, considérons un instant le remarquable projet graphique des deux volumes, signé par Giuseppe Montanucci, typique des années 60: le volume I, sous la direction de Mario de Andrade, I Poeti; le volume II, organisé par Léonard Sainville, I Narratori. [13]
Dans une pochette réunissant, en plat de devant et en plat de dos, le dessin traditionnel et naïf d’une poule tachetée et la photo de deux travailleurs nègres sous un panneau routier indiquant Umtata et Kokstad, entre le Cap et le Kwa Zulu, en Afrique du Sud, les deux volumes, I et II, poésie et prose, alternent respectivement:

a) des images de la vie traditionnelle en Afrique noire – une jeune maman indigène à demi-nue, juste un pagne autour des hanches, assise avec son bébé et des pêcheurs adultes avec de jeunes garçons autour de grandes nasses coniques en osier (pour la Poésie) et
b) des images d’un homme battant le tambour et d’une rue du Deep South américain (pour la Prose).
Ce projet graphique prépare visuellement le lecteur à l’ampleur du programme. Nous concentrons ici notre intérêt sur le volume I, I poeti.
Essayons de le décrire de façon précise:
a) l’anthologie de poésie nègre de Mario de Andrade distingue deux grands espaces ou continents: Afrique et Amériques (au pluriel);
b) dans chaque continent, il recueille tout d’abord des exemples de poésie populaire et/ou traditionnelle, sans indication d’auteur, bien entendu:
*En Afrique, poèmes de huit zones culturelles aux différentes langues ethniques: Afrique équatoriale. Pygmées (p. 5-6); Gabon. Fangs (p. 7); Villages sur les rives du Niger (p. 8-11); Niger. Haussa (p. 12); Rwanda (p. 13-15); Soudan Mandingue (p. 16);  Soudan-Mossi (p. 17);  Yoruba (p. 18-25);
*Dans les Amériques: deux textes de poésie populaire sans indication de pays: El testamento del negro” (p. 223) et La serpente” (p. 224).
c)        dans chaque continent, les poètes sont présentés par ordre alphabétique des pays:
En Afrique:
*Angola, 5 poètes et 8 textes: Viriato da Cruz (p. 29-31): Mãe negra; Mario de Andrade (p. 32-33): Canção de Sabalu; Mario Antonio Fernandes de Oliveira (p. 34-36): Poema, O amor e o futuro; Gerardo Bessa Victor (p. 37-38): O menino negro não entrou na roda; Agostinho Neto (p. 39-44): Fogo e ritmo, Adeus na hora da partida,Aspiração”;
* Cameroun, 1 poète et 1 texte: Hadj El Mukrane (p. 47-50) [14] sur une veillée d’armes à la mémoire de Ruben Um Nyobé;
*Cap Vert, 5 poètes et 6 textes: Pedro Corsino Azevedo (p. 53-54): Terra longínqua; Jorge Barbosa (p. 55-58): Poema do mar, Casebre; Aguinaldo Fonseca (p. 59-60): Taberna à beira mar;  Gabriel Mariano (p. 6-62): Cantiga da minha ilha;  Ovidio Martins (p. 63): Poema salgado”;
*Congo, réunissant Congo-Brazzaville et Congo-Kinshasa, 4 poètes et 5 textes: Antoine-Roger Bolamba (p. 67-68): Chant du soir; Ntetembo Eto (p. 69-74): Tokende!; Martial Sinda (p. 75-76): Tam-tam, tam-tam-toi;  G.F.D. Tchicaya U Tam'si (p. 77-80): Vive la mariée, Le forçat”;
*Côte d’Ivoire, 2 poètes et 5 textes: Bernard B. Dadié (p. 83-86): Ode à l’Afrique, Couronne d’Afrique;  M. Thew' Adjiè (87-91): Demain, le 2 mai 1951, le 8 mai 1951;
*Ghana, [15] 8 poètes et 13 textes: G. Adali-Mortty (p. 95-96): La ville, Feuilles de palmes de l’enfance; Raphael E. G. Armatoe: Cœur solitaire; Cameron Duodu: Pays natal, Afrique !; Israel Kafu Hoh: La vie en chemin , Aux insectes nocturnes, L’aveugle qui vient du Nord, Deuxième naissance, Sur le visage fatigué de Dieu, Le trépas du roi; Andrew Amankwa Opoku: Par les rues d’Accra; Frank Parkes: Paradis africain; Efua Theodora Sutherland Morgue: Il est arrivé;
*Guinée, réunissant la Guinée Bissau et la Guinée Conacry, 2 poètes et 3 textes: Nene Khaly: Intempérie, Musiques nègres; Terencio Casimiro Anahory Silva: Meia-noite”;
*Mozambique, 3 poètes et 5 textes: Rui de Noronha: Surge et ambula; Noemia de Sousa: Apelo,Deixa passar o meu povo; Kalungano, pseudonyme de Marcelino dos Santos: Onde estou, A um menino do meu país”;
*Nigéria, 3 poètes et 7 textes: Adeboye Babalola: Le vrai seigneur, Pestes humaines; Dennis C. Osadebay: Revolution de la jeune Afrique, Young Africa's Plea”; Wole Soynka:  trois poèmes dont deux sans titre sur Un immigrant, Un autre immigrant, My next door neighbour”;
*Sao Tomé, 3 poètes et 4 textes: Costa Alegre: A negra; Alda do Espírito Santo: Onde estão os homens caçados neste vento de loucura; Francisco José Tenreiro: Romance de Seu Silva  Costa, Coração em África”;
*Sénégal, 3 poètes et 14 textes: Birago Diop: Le souffle des ancêtres, Le chant des rameurs, Dyptique; David Diop: Ecoutez camarades, Afrique, A un enfant noir, Rama Kam; Léopold Sédar Senghor: Femme noire, Aux  tirailleurs sénégalais morts pour la France, Chant pour Naett, Congo, Elégie des eaux, Elégie pour Aynina Fall, Chaka”;
*Sierra Leone, 2 poètes et 2 textes: Crispin George. How long Lord; Davidson Nicol: The meaning of Africa”;
En Afrique donc, l’Anthologie réunit 11 poètes francophones, 16 poètes lusophones et 11 poètes anglophones. Une note indique qu’un de ces poètes, Adeboye Babalola, du Niger, écrit directement en yoruba (p. 435).
Remarque importante: pour l’Afrique, on a pu retrouver le titre exact de chaque poème sélectionné, pour les poètes écrivant en français ou portugais. Quant aux poètes anglophones, les poèmes dont on n’a pas réussi à retrouver le titre, sont cités à partir d’une traduction de l’italien en français sans les guillemets. Qu’on veuille nous excuser.
Dans les Amériques:

*Argentine, 1 poète et 1 texte: Casildo G. Thompson (p. 227-228): Canto al África”;
*Brésil, 1 poète et 2 textes: Solano Trindade (p. 231-233): Tem gente com fome, Quem tá gemendo? ”;
*Cuba, 3 poètes et 12 textes: Marcelino Arozarena (p. 237-241): Caridad, Canción negra sin color; Nicolás Guillén (p. 242-264): Negro bembón, Sabás, Sensemayá, Soldados de Abissinia, José Ramón Cantaliso, Son número 6, Little Rock, El cognome. Elegía familiar, Elegía camagueyana; Regino Pedroso (p. 265-267): Hermano negro”;
*Guadeloupe, 2 poètes et 2 textes: Paul Niger (p. 271-279): Je n’aime pas l’Afrique;  Guy Tirolien (p. 280-281): L’âme du noir pays”; 
*Guyane, 1 poète et 3 textes: Léon-Gontran Damas (p. 285-296): Tu étais au bar (fragment de Black Label), Ils sont venus ce soir, Hoquet”;
*Haïti, 3 poètes et 7 textes: Jean-Fernand Brière (p. 299-300), Me revoici Harlem; Félix Morisseau-Leroy (p. 301-304): Poésie créole, On les reconnaît, Le chercheur d’or; [16]  Jacques Roumain (p. 305-313): Bois d’ébène, L’amour la mort, Nouveau sermon nègre”;
*Martinique, 6 poètes et 16 textes: Lionel Attuly (p. 317-327): Je t’écris de Paris;  Charles Calixte (p. 328-330): De guerre lasse, le feu…; Aimé Césaire (p. 331-348): neuf poèmes; [17] Georges Desportes: La bonne chanson, Autodafé; Gilbert Gratiant: Jozèf, lévé!”, [18] Barbare; Étienne Léro: Pour une vierge noire”;
*USA, 19 poètes et 39 textes: Arna Bontemps (p. 357-358):Nocturne at Bethesda;  Gwendolyn Brooks (p. 359): Kitchenette building”;   Sterling A. Brown (p. 360-365): Old Lem”, Strong men”;  Countee Cullen (p. 366-372): Heritage , Incident”, Yet do I marvel”, For a lady I now”;   Waring Cuney (p. 373-374): No images”, Beale Street;  Frank Marshall Davis (p. 375-381): South cotton”, I sing no new songs; Owen Dodson (p. 382-383): Sleep late with your dream”, Le cours des saisons;  W.E.B. Du Bois (p. 384-388): Litany of Atlanta”; Paul Laurence Dunbar (p. 389-390): Avant que le sommeil ne vienne pour calmer les yeux fatigués; Robert E. Hayden (p. 391-394): Prophety”, Gabriel (Hanged for leading a slave revolt)”, Speech”; Frank Horne (p. 395-396): Musonero”; Langston Hughes (p. 397-406): “Negro speaks of rivers”, “Brass spitoons”,  “Let America be America again”, “Song for a dark girl”, “I, too, sing America”,  “Mother to son”, “Ku-Klux”; Fenton Johnson (p. 407-408): “Tired”, “Aunt Jane Allen”;  James Weldon Johnson (p. 409-410): “O Black and unknow bards”; Claude McKay (p. 411-413): “America”, “If we must die”, “Lynching”;  Jean Toomer (p. 414-415): “Song of the son”, “Reapers”;  Paul Vesey [19] (p. 416-421): “A moment, please”, La mort de l’oncle Tom; Margaret Walker (p. 422-423): “For my people”; Richard Wright (p. 424-426): “I have seen black hands”.

Dans les Amériques, l’Anthologie réunit 12 poètes francophones, 4 hispanophones (dont un Argentin), 1 lusophone (le seul nom du Brésil) et 19 anglophones. Dans cette section, les titres originels des poèmes en anglais qu’on n’a pas pu retrouver, sont cités en français sans les guillemets: il n’y a que trois cas (un poème de Owen Dodson, un poème de Paul Laurence Dunbar et un poème de Paul Vesey). Parmi les poèmes considérés francophones, il y a des poèmes écrits à l’origine en créole haïtien ou martiniquais: c’est le cas de Félix Morisseau-Leroy et de Gilbert Gratiant.
Le volume contient encore une bibliographie (p. 429) et des notes sur les auteurs (p. 433-441) avec indication du nom du traducteur de chaque poète.
La simple liste des poètes et des poèmes impose quelques commentaires.
Mario de Andrade, lui même auteur de différents recueils de poésie lusophone depuis sa période d’études à Lisbonne jusqu’en 1979, [20] connaît fort bien les anthologies précédentes de Damas et de Senghor et tient à s’en détacher présentant un spectre plus large de poètes s’exprimant en différentes langues européennes (anglais, espagnol, français, portugais). Il innove par rapport à l’un comme à l’autre en attirant l’attention sur la production africaine lusophone et en ouvrant large l’éventail de la production étatsunienne la plus nombreuse de son anthologie.
Il détache encore l’importance de la poésie traditionnelle et populaire, celle qui vient de la littérature orale ancestrale et s’exprime dans de différentes langues ethniques en Afrique ou celle qui circule sans indication d’auteur dans les Amériques. Son choix des textes africains est remarquable et varié. Notons, par exemple, que la deuxième plainte à deux voix pour la disparition d’un enfant (chants funèbres des pygmées, ibid., p. 5-6) montre au lecteur attentif à quel point son poème personnel sur la mère qui pleure son enfant perdu à Sao Tomé (Chanson de Sabalu”, [21] ibid., p. 32-33), s’inspire de la tradition ancestrale africaine. Enfin, pour des lecteurs latino-américains venant des Amériques noires et familiers des cultes afro-américains (santería, candomblé, umbanda, vaudou etc.) ou des lecteurs ayant fait des études anthropologiques, ses orikis (chants aux orishas) à Obatala (p. 18), à Oshun (p. 20) et aux jumeaux (p. 30) sont émouvants parce qu’on trouve facilement des correspondances et on les reconnaît.
L’Afrique lusophone est largement représentée avec de nombreux poètes nés en Angola, au Cap Vert, dans les deux Guinées, au Mozambique et à Sao Tomé, pays qui sont encore des colonies en guerre contre leur métropole et qui n’atteindront l’Indépendance qu’après 1974. Mario de Andrade y cite certes des compagnons de lutte (Viriato da Cruz, Marcelino dos Santos, Agostinho Neto) mais incorpore déjà des poèmes écrits par des femmes: Noemia de Sousa et Alda do Espírito Santo.
La grande surprise pour les lecteurs lusophones, et non-lusophones aussi, c’est sans doute l’apparente sous-représentation du Brésil avec un seul poète (Solano Trindade, ibid., p. 231-233) avec deux poèmes, dont Tem gente com fome” (= Il y a des gens qui ont faim) sur un train de périphérie de la banlieue de Rio. [22] En réalité, l’Angolais Mario de Andrade est tout à fait conscient que la temporalité et le métabolisme de la littérature brésilienne sont assez différents de ceux des littératures hispanophones, ou francophones, d’Amérique et qu’on ne peut appliquer partout le même modèle critique ni le même schéma chronologique. Un seul exemple devrait suffire: le Modernisme hispano-américain qui se déclenche à partir de Rubén Darío même en Espagne n’a rien à voir, ni du point de vue chronologique ni du point de vue thématique ou stylistique, avec le Modernisme brésilien, centré sur l’Anthropophagie.
Sans les illusions d’Edouard Glissant qui affirme, sans connaître suffisamment la langue [23] ni la littérature brésilienne, que le concept de négritude est opératoire” au Brésil du point de vue littéraire, [24] et sans le malaise réel de Léon-Gontran Damas qui, d’après le témoignage de sa femme Marietta Campos, [25] devant la réalité brésilienne découverte in situ dans les années 1964-65,  tente de revenir, sans se l’avouer, à des critères plus ethniques, l’Angolais Mario de Andrade, avec son exemple unique de poète nègre, dévoile, sans l’expliquer et sans l’approfondir, une différence. Différence à analyser et à expliquer évidemment mais les bases de la discussion sont déjà assurées ainsi qu’une possibilité de comparaison avec un exemple hispanophone.
D’autre part, Mario de Andrade cite un poème nègre” argentin, de la fin du XIXe siècle (en fait de 1878) dont l’auteur est pratiquement inconnu hors de l’Argentine, Casildo G. Thompson [26] (1856-1928): par là il ouvre la porte aux différents négrismes” latino-américains de langue espagnole.  Et ces négrismes sont plusieurs et peuvent même atteindre la matrice espagnole et devenir proprement une forme” poétique. García Lorca, en visite en Amérique en 1933 et 1934, s’essaie à des poèmes negristas”; le sage de Salamanque, Miguel de Unamuno, remerciant un envoi de Nicolas Guillén, lui cite un poème qu’il vient de composer depuis peu, juste avant l’arrivée du volume du Cubain. [27]
Dans les Amériques noires, la représentation antillaise n’oublie aucun des grands noms ni de langue espagnole ni de langue française. On y retrouve tous les grands poètes: de Cuba, des Antilles françaises et de la Guyane, d’Haïti. Dans certains cas francophones”, on souhaiterait néanmoins qu’il y ait une indication sur le créole d’origine.
Le choix des poèmes d’Aimé Césaire fait par Mario de Andrade élude apparemment le Cahier d’un retour au pays natal, titre qu’il ne cite nulle part et pièce obligatoire dans d’autres anthologies et qui était surtout au centre même des textes critiques d’André Breton [28] et de Sartre. [29]  Voici sa sélection de neuf poèmes césairiens et leurs sources de publication:

a) Eïa pour le Kaïlcedrat royal” (p. 331-334: sous ce titre - inexistant en tant que titre, car citation d’un vers -, se place un passage de 3 pages et demie du Cahier);
b)  “Perdition” (p. 335: poème paru dans le nº 3 de Tropiques et plus tard dans Les armes miraculeuses);
c) “Entre autres massacres” (p. 336, poème de Cadastre);
d) “Mississipi ” (p. 337,  poème de Cadastre);
e) “Ex-voto pour un naufrage ” (p. 338-340, du recueil Soleil cou coupé et ensuite de Cadastre); [30]
f) “Ode à la Guinée” (p. 341-342, poème de Cadastre);
g) “Comptine”  (p. 343, poème de Ferrements);
h) “Mémorial de Louis Delgrès” (p. 344-347,  poème de Ferrements) et
i) “Salut à la Guinée” [31] (p. 348, poème publié dans la revue Présence Africaine, en été 1959, hommage de Césaire au premier pays indépendant de l’Afrique francophone noire, non recueilli dans les volumes publiés).

Dans les Amériques, la représentation des Etats-Unis avec 19 poètes et 39 textes est largement dominante. C’est réaffirmer implicitement l’importance - et la préexistence - d’une littérature  nègre en langue anglaise avant le mouvement de la négritude francophone.
Un dernier document est intéressant dans ce volume sur la poésie: la liste des anthologies consultées. On y trouve des anthologies: [32]

a) publiées à Paris et d’une manière générale fort connues et accessibles (Damas, 1947; Senghor, 1948; Présence Africaine, Poètes noirs d’Haïti, 1951);
b) publiées en Allemagne (Schwazer Orpheus, de 1955; Rumba Macumba, de 1957, toutes les deux de Janheinz Jahan;
c) une anthologie  en portugais (la sienne, de 1958);
d) publiées en Amérique latine (Emilio Ballagas, de 1946, à La Havane et Ildefonso Valdés Pereda, de 1953, à Montevideo);
e) des anthologies anglophones africaines particulièrement difficiles à trouver (Olumbe  Bassir, 1950, sur West Africain Verse; Henry Swanzy, 1958, sur Ghana); 
f) des anthologies anglophones américaines, parmi les plus anciennes (Johnson, The Book of American Negro Poetry, 1938; Brown et alii, The Negro Caravan, 1941; Hughes-Bontemps, The poetry of the negro, 1951) et
g) la réimpression de 1947, - en première édition, elle date de 1921 -, de l’Anthologie nègre de Blaise Cendrars tout entière consacrée aux différents textes traditionnels d’Afrique.

La préface de Pier-Paolo Pasolini.
L’anthologie poétique de Mario de Andrade aura un lecteur de tout premier plan: Pier Paolo Pasolini qui signe la préface. Le volume de la Prose, organisé par Léonard Sainville, devra se contenter d’une simple et brève Note éditoriale” de l’organisateur, de deux pages.
La Préface de Pasolini s’intitule Resistenza negra et elle occupe une dizaine de pages. [33] En 1961, Pasolini a déjà publié un certain nombre d’œuvres poétiques en italien et en dialecte friulano, [34] des récits; [35] il participe activement au débat culturel et politique sur la Péninsule mais surtout il vient de lancer son tout premier film Accattone [36] dont le scénario, publié la même année, aura la préface signée par Carlo Levi. [37] Pasolini est un poète connu, un intellectuel brillant, respecté par ses pairs et il entame sa fulgurante carrière de cinéaste.
 La Préface de Pasolini est donc à la fois le texte d’un poète reconnu et d’un intellectuel marxiste qui s’intéresse à la fois au christianisme et au Tiers Monde. Tous les cinéphiles savent l’importance qu’aura l’Afrique dans le cinéma de Pasolini. Un moyen métrage récent (77’), “Prophétie, l’Afrique de Pasolini”, de Gianni Borgia et Enrico Menduni ainsi que l’analyse d’Anne Violaine Houcke [38] le confirment.


Première remarque de poète: les textes de l’anthologie paraissent datés” de la même façon que les poèmes de la résistance italienne des années 40. Pasolini se réfère non pas exactement à des poètes originaires du Sud de l’Italie mais plutôt à des écrivains contestataires, comme Carlo Levi ou Cesare Pavese, tous les deux originaires du Piémont, qui vivent l’exil interne” ordonné par Mussolini au moment de la conquête de l’Abyssinie et en tant que gens du Nord redécouvrent le Mezzogiorno italien et par là revivent personnellement un processus historique similaire au Risorgimento du XIXe siècle. Cette articulation intéressante permet de poser deux problèmes, l’un stylistique (les poèmes publiés constituent des hybrides) et l’autre idéologique (la lutte nègre charriant encore un regard vers le futur, absent désormais de la production italienne).
En très bon lecteur de poésie, Pasolini identifie avec perspicacité les sources directes de ces poèmes nègres de résistance et de rébellion. Il avance ses exemples puisés chez des africains, des antillais comme chez des étatsuniens.
Dans une seconde ligne d’analyse, celle de nouveaux contenus, il aligne les textes “Je n’aime pas l’Afrique de Paul Niger (né en Guadeloupe), qu’il considère “l’un des deux chefs-d’œuvre de cette Anthologie, “Réveille-toi, Joseph !de Gilbert Gratiant, [39] Martiniquais, “Appel de la jeune Afrique du Nigérien Dennis Osadebay, et enfin l’autre chef-d’œuvre, “Instantanés du Sud cotonnier de l’Américain Frank Marshall Davis. Ce dernier poème, longuement cité, est encore repris dans sa conclusion.
Une troisième ligne est dégagée: le Nègre” et sa terre (chez les poètes écrivant en Afrique), ou leNègre” et sa situation sociale (chez les poètes écrivant en Europe ou en Amérique), condition malheureuse, source de discrimination, subissant une métamorphose “positive par une sorte de consolation rhétorique. C’est ici que Pasolini retrouve encore une correspondance avec une certaine littérature italienne: Je fais référence à la poésie du Sud d’Italie (celle qui dérive de l’expérience de Levi, [40] et de l’immédiat après-guerre: occupation des terres etc.): cette poésie méridionale fut, du point de vue temporel, le dernier chapitre de notre poésie de la Résistance. Ici également les disgrâces’ du Sud, viennent énoncées dans un ton auto-consolateur, et ainsi ceux qui les vivent pourraient y trouver une expérience en soi de palingenèse.
A partir d’un poème de Nicol, un Nègre de culture européenne qui ne reconnaît pas l’Afrique lors d’un premier séjour, Pasolini débouche sur un nouveau concept d’Afrique: le concept ‘Afrique’ c’est le concept d’une condition sous-prolétarienne extrêmement complexe encore non-utilisée comme force révolutionnaire”. Et elle commence à la périphérie de Rome englobant tout le bassin méditerranéen ainsi que les terres africaines et américaines.
La conclusion mérite d’être lue: nous renvoyons nos lecteurs à notre annexe avec le texte intégral.
Le texte généreux de Pasolini est intéressant par ses articulations avec la production italienne, par l’identification des sources, par son élargissement politique et par le choix de ses citations. Et encore par son refus tacite de citer les incontournables.

Petite coda sur la réception.
En fait, il y aurait plusieurs questions, de  niveaux différents d’ailleurs, quant à la réception:

a) celle de Mario de Andrade, Angolais produisant et s’exprimant littérairement en deux langues (Portugais et kimbundo), avec un trajet exemplaire d’homme de culture qui est aussi un acteur actif, avec des responsabilités politiques importantes, dans une lutte de libération nationale, sur la production nègre en terres d’Afrique et d’Amérique;
b) celle de Pasolini, lui aussi produisant en deux langues (Italien et friulano), lisant l’anthologie de l’Angolais;
c) notre réception aujourd’hui, un demi-siècle plus tard.

Sur la première, nous croyons avoir dégagé l’essentiel et les différences par rapport aux anthologies de Senghor et surtout de Damas.
Sur celle de Pasolini, un travail à faire serait de comparer sa Préface avec Orphée noir, de Sartre, où le nécessaire dépassement prévu de la notion de négritude a pu inquiéter si profondément un Frantz Fanon. Il y a toujours chez Pasolini ce qu’on a nommé avec perspicacité une poétique du déplacement qui, à partir du déplacement géographique (devant des poètes noirs d’Afrique et des Amériques, il parle du Mezzogiorno ou de la production italienne des années 40, ou encore de la périphérie de Rome) et, par la pratique de l’analogie, conduit à la réalisation d’une œuvre, - critique ou de création -, qui vise à déplacer le spectateur/lecteur ou à modifier son regard. Poeta civile, comme le définissait Alberto Moravia, Pasolini fait du poétique le lieu du politique.
Il reste encore que la Préface écrite par Pasolini à une anthologie nègre organisée par un Angolais est pratiquement contemporaine de la nouvelle orientation du poète italien vers le monde qu’il décrit comme le seul encore potentiellement révolutionnaire. La lecture de cette anthologie a confirmé pour Pasolini son cheminement spirituel vers l’Afrique.
Sur notre réception aujourd’hui, la question reste ouverte. Elle peut être problématique au Brésil. La réception la plus intéressante, et sans doute la plus difficile, serait de refaire le trajet historique capable d’expliquer comment, en 1961, la production brésilienne n’offrait qu’un seul nom de poète nègre (Solano Trindade) dans une anthologie organisée par un locuteur lusophone cultivé et, depuis le début des années 80, les anthologies afro-brésiliennes se multiplient à tel point que plusieurs des maisons d’éditions universitaires au Brésil ont désormais au moins un volume avec la production de nouveaux poètes nègres” de la région où s’insèrent ces maisons d’édition. Mais justement: pourquoi des éditions universitaires ?
Une jeune enseignante brésilienne vient de me proposer, de manière assez naïve d’ailleurs, une recherche sur les lectures césairiennes (sic) d’un poète populaire du Nord du Brésil. En fait c’est la question inverse qui devrait être posée avant: pourquoi la première traduction en portugais du texte intégral d’un Cahier d’un retour au pays natal a tellement tardé ? [41] Elle date de 2012, avec un retard d’au moins plus d’un demi-siècle, même si l’on considère uniquement la version de 1956, dite définitive, de Présence Africaine. Si l’on pense à la première édition du poème, dans la revue Volontés de 1939, texte traduit déjà à Cuba en 1943 par Lydia Cabrera, le retard au Brésil serait de plus de 70 ans !
Un essai critique important de Domício Proença Filho, [42] à la fois poète et professeur de Littérature brésilienne, pourrait en être un point de départ. Il m’a confirmé que, dans ses recherches, il n’a jamais trouvé de poète noir brésilien se revendiquant du mouvement de la négritude (césairienne ou senghorienne, antillaise ou africaine). Là aussi un nouveau regard sur la deuxième anthologie de Damas, celle de 1966, avec des noms pratiquement inconnus encore aujourd’hui ainsi que les anthologies plus tardives et au pluriel organisées par Zilá Bernd permettraient de poser la question dans toute sa complexité pour mieux dégager ce qui me paraît une Différence importante.
Enfin, le commentaire en apparence anodin, - entendu encore au début de cette année -, de la fille cadette de Mario Pinto de Andrade, Mme Henda de Andrade, sur les anthologies organisées par son père qu’elle voulait faire republier en Angola, en particulier pour justifier la prétendue absence d’écrivains noirs (sic) et la mise en avant d’écrivains mulâtres/métis, permet justement d’entrevoir encore un autre problème de réception: Angola vit toujours sous un régime autoritaire (ou semi-autoritaire) [43] où la censure implicite des deux frères Andrade (Joaquim et Mario) [44] fonctionne encore malgré les grandes funérailles officielles de 1996? Les critères purement ethniques n’y sont pas encore totalement dépassés ? Faut-il montrer patte noire et bien noire pour être considéré poète nègre?
L’analyse de cette anthologie de Mario de Andrade  - une vraie charnière en 1961 – ouvre la voie à l’étude d’autres anthologies, dites “nègres” d’une manière générale, ou alors à des anthologies nègres de langue portugaise. Une anthologie particulièrement intéressante parce que l’œuvre de deux comparatistes, - l’un suisse-allemand (Gerald Moser) et l’autre portugais (Manuel Ferreira) [45] -, de 1983, publiée à Lisbonne, pourrait servir de contrepoint aux nouvelles anthologies brésiliennes.

NOTAS
1. Le deuxième Congrès se tient à Rome du 26 mars au 1er avril 1959, à la suite du premier Congrès tenu à Paris en 1956, à l’initiative de Présence Africaine. Les deux frères Andrade (Joaquim et Mario) y ont activement collaboré.
2. Mario de Andrade en plus de ses contacts comme secrétaire de la revue Présence Africaine, avait encore deux ou trois autres réseaux d’échanges: a) d’une part, son expérience précédente comme organisateur d’anthologies au Portugal et en France; b) d’autre part, les contacts, grâce à son frère aîné, Joaquim de Andrade, à l’époque prêtre catholique, avec les milieux catholiques, notamment italiens et romains et enfin c) son expérience politique comme l’un des dirigeants du mouvement anticolonial en Angola. La maison d’édition Editori Reuniti, née en 1953 à Rome, reste proche du PCI.
3. L’anthologie de Damas de 1947 n’est pas la première: en France, on oublie parfois l’ouvrage de Blaise Cendrars, Anthologie nègre (La Sirène, 1921): Mario de Andrade la signale dans sa bibliographie, dans sa réédition de 1947. C’est dire à quel point la question des anthologies nègres en France est encore peu étudiée.
4. Voir Casa comum, Fundação Mario Soares, Lisbonne.
5. Poètes d’expression française, 1900-1945, collection «Latitudes françaises». Seuil, 1947. 
6. Présence Africaine publie un numéro spécial, Nouvelle somme de poésie du monde noir, 1966.
Les deux anthologies de Damas, publiées à deux moments charnières en 1947 et en 1966 (l’immédiat après-guerre en Europe et la période des Indépendances en Afrique), constituent deux  extraordinaires documents d'époque: elles nous apportent une perspective sur les études francophones dans leurs rapports avec d'autres cultures et d'autres langues. Une thématique commune débouche sur une grande diversité. En 1947, Damas, avant Senghor, publie Poètes d’expression française, 1900-1945,   réunissant 35 poètes embrassant des espaces très différents: l’Afrique noire (2 noms), les Antilles (avec trois sous-divisions, Guadeloupe, Martinique, Guyane et respectivement 4, 13 et 3 noms), Indochine (5 noms), Madagascar (2 noms) et Réunion (6 noms).  
En 1966, pour la première fois, des poèmes écrits en français sont mis en contact, sans traduction, avec la production poétique dans d'autres langues: Damas s’y révèle un précurseur. Mais ce texte de 1966 dévoile aussi l'écartèlement de Damas entre son désir secret d'unité de la production nègre et la prise de conscience, au fond douloureuse pour lui, de la fragmentation ou de la diversité qu'il veut éluder. 
7. En 1967, le 29 septembre, Damas épouse à Paris la brésilienne Marietta Campos qu’il avait rencontrée en 1964 au Brésil. Elle y avait été son interprète pour le portugais et l’avait aidé dans ses recherches à la BN, encore à Rio de Janeiro. Elle l’accompagnera jusqu’à la fin de sa vie. En 1968, le couple revient encore à Rio du 1er janvier au 1er mars.
8. “Damas et les nouvelles littératures des Amériques: entre l’oral et l’écrit”, in Léon-Gontran DAMAS: Cent ans en noir et blanc sous la direction d’Antonella Emina. CNRS Éditions, 2014, 340 p.
9. Voir notre Césaire hors frontières. Poétique, intertextualité et littérature comparée. Königshausen & Neumann, 2015, p. 13-124. La connaissance de l’Amérique hispanophone et lusophone se fait encore de nos jours en France grâce surtout aux traductions: celles-ci peuvent fonctionner parfois comme un philtre.
10. Ses cahiers sur le kimbundo peuvent être consultés en ligne: FMS, Casa Comum, dossier Mario Pinto de Andrade.
11. Voir dossier 07559.004.001 de la FMS sur MPA: contrat de la réédition d’une anthologie sur Littérature nègre avec Editori Riuniti. 
12. Un premier essai de mise en rapport des deux écrivains apparaît dans un texte sur la Lettre à Maurice Thorez; voir PESTRE de ALMEIDA, Lilian. “La  Lettre à Maurice Thorez dans le contexte africain lusophone: essai de lecture comparative du point de vue politique, culturel et littéraire.  Étude d’un cas: Aimé Césaire - Mario Pinto de Andrade ”, in Aimé Césaire. Lettre à Maurice Thorez, la rupture. Centre Césairien d’études et de Recherches - Éditions Alexandrines,  2010, p. 139-154.  Ce texte essaie, d’une part, de définir la diversité des situations linguistiques des pays africains sous colonisation portugaise (par ordre alphabétique: Angola, Cap Vert, Guinée Bissau, Mozambique, Sao Tomé et Principe) et d’autre part, d’articuler l’expérience plus précoce de l’Inde portugaise (Goa) aux mouvements de libération africains.
13. Léonard Sainville (1910-1977), Antillais, né en Guadeloupe, travaillait également à Présence Africaine: l’analyse du volume sur la prose et les narrateurs échappe à notre but ici.
14. En septembre 1958, Ruben Um Nyobé, figure de l’UPC (= Union des populations du Cameroun), était capturé et abattu par des troupes françaises.
15. Nous n’avons trouvé l’originel d’aucun de ces poèmes.
16. On n’a pas pu retrouver les textes originels de Félix Morisseau-Leroy, probablement publiés en créole haïtien.
17. Nous y reviendrons plus avant et en détail.
18. Poème écrit origellement en créole martiniquais.
19. Pseudonyme de Samuel Washington Allen.
20. C’est la date de sa dernière anthologie de poésie lusophone, publiée en portugais et en 1979: Canto armado. Lisboa, Sá da Costa.
21. Cette chanson de Mario de Andrade réapparaît, ipsis litteris, dans une scène d’Une saison au Congo, de Césaire. Voir notre Césaire hors frontières, p. 127-138.
22. Le traducteur italien se trompe dans sa note: ce “sale” train de la Leopoldina ne part pas de Sao Paulo vers l’intérieur. La liste des stations où s’arrête ce petit train sont toutes de la banlieue de Rio de Janeiro: Caxias, Vigário Geral, Brás de Pina, Cordovil etc. 
23. Sur la méconnaissance de Glissant à l’égard de l’espagnol et surtout du portugais un regard attentif sur ses traductions ne laisse pas de doute possible. Voir son anthologie, dite du Tout-Monde, La terre le feu l’eau et les vents. Galaade, 2010. Ses traductions de l’espagnol et du portugais, revendiquées comme inédites et personnelles dans les notes finales du volume, révèlent des problèmes assez graves de syntaxe et parfois même de simple compréhension. Sans trop nous y attarder, indiquons-en brièvement quelques-uns de ces problèmes pour que le lecteur non-hispanophone et non-lusophone puisse en avoir une idée. Pour l’espagnol, confusion entre hacía, avec accent sur le i (3e personne de l’imparfait du verbe hacer: il ou elle faisait) et hacia, sans accent sur le i (préposition: vers, en direction de, jusqu’à): c’est le cas du poème de Neruda “La isla”. Nous reproduisons ci-dessous le texte original, qui n’est pas cité dans l’anthologie du Tout-Monde, et deux traductions, celle de Glissant et celle que nous proposons:
LA ISLA (Pablo Neruda)
Todas las islas del mar las hizo el viento.
Pero aquí, el coronado, el viento vivo, el primero
fundó su casa, cerró las alas vivió:
desde la mínima Rapa Nui repartió sus dominios,
sopló, inundó, manifestó sus dones
hacia el Oeste, hacia el Este, hacia el espacio unido
hasta que estableció gérmenes puros,
hasta que comenzaron raíces.

L’île, traduction d’E. Glissant, in La Terre, p. 38
L’île, traduction proposée par LPA
Toutes les îles de la mer, le vent les a inventées,
Toutes les îles de la mer, le vent les fit naître
Mais ici le vent vivant, le couronné, le primordial
Mais ici le roi des vents, le vent vivant, le premier
A fondé sa maison, replié ses ailes, vécu;
Fonda sa maison et repliant ses ailes, y vécut:
Depuis la minuscule Rapa Nui il a étendu ses empires,
Depuis la minuscule Rapa Nui il distribua  ses domaines,
Soufflé, inondé, prodigué ses cadeaux
Souffla, inonda, manifesta ses dons
Il faisait l’Ouest, il faisait l’Est, il faisait l’espace tout en un;
Vers l’Ouest, vers l’Est, vers l’espace tout uni
Jusqu’à raffermir les pures germinations,
Jusqu’à établir des germes purs,
Jusqu’à faire surgir et pousser les racines.
Jusqu’à faire naître les racines.

Pour le portugais, de vrais contresens proprement sémantiques sont évidents (ibid., p. 222-223). “Ia passando uma véia, pegou a minha cenoura/ Ai minha véia, deixa a cenoura aqui” traduit par “En  profitant de l'occasion j'ai attrapé une carotte/ Allons ma veine, laisse-là cette carotte”. Dans ce cas, les deux traducteurs, père et fils, n'ont même pas compris que “uma véia”, dans la langue populaire au Brésil, veut dire simplement “Une vieille” et que “veia” (= veine) se prononce avec un e fermé; ainsi l’accent qui “ouvrait” la voyelle “véia” indiquait qu’il s’agissait d’un autre mot. Le mot véia est la forme féminine de véio, dans, par exemple, preto veio, personnage apparemment doux mais au fond inquiétant entre tous de la macumba brésilienne, car lié à la mémoire de l’esclavage. Enfin,  “pegou” est la 3e personne du passé simple du verbo pegar et l’emploi de la première personne dans la traduction (j’ai attrapé) est un contresens. Il y en a encore d’autres problèmes dans la même chanson/rap:  “Um homem roubado nunca se engana” traduit par “Un homme opprimé ne se laisse plus abattre” et ensuite le même vers est traduit par “Un homme dominé ne se laisse plus abattre”, attribuant un sens idéologique fort à une chanson clairement parodique et scatologique (“carotte” pour membre viril évidemment) qui affirmait qu’un homme, une fois qu’il a été volé par une vieille ou qu’on lui a pris la verge, ne se laisse plus tromper ni attraper. Sur ce texte et sa traduction, on dirait en italien: Roma per toma. Cas encore plus grave parce que relevant de la syntaxe la plus élémentaire:  dans la chanson suivante (ibid., p. 222-223), la traduction proposée de “no” (en Portugais, contraction de la préposition em + l’article défini o), dans le syntagme “no rio” (= dans le fleuve) est confondu avec la négation (en portugais não), dans le verset: “Porque no rio tem pato comendo lama”, traduit en français par “Parce qu’aucun fleuve n’a de canard qui mange la boue”, ce qui est exactement le contraire du sens de l’original (Parce que dans le fleuve des canards mangent de la boue).  Force est de conclure que la réception chez Glissant de la production littéraire en portugais et en espagnol passe toujours par un philtre, celui des traductions en français, car lorsqu’il essaie lui-même de traduire, sa version n’échappe pas à ce qu’on appelle les faux amis ou à des pièges assez simples (hacía / hacia, par exemple) ou encore des contaminations imprévues entre deux ou trois langues étrangères  (no en portugais compris comme la négation no en espagnol ou en anglais). La difficulté d’Edouard Glissant à traduire des textes tout à fait simples nous empêche de croire que sa traduction des huitains en décasyllabes de Camoens ait été faite directement du portugais du XVIe siècle.
24. Affirmation ipsis litteris que l’on retrouve dans l’essai Introduction à une poétique du Divers, de 1996, p. 105: “...tout comme il est des pays où la négritude (à Panama, au Brésil, en Colombie) est opératoire”. Quel est le sens de négritude dans ce cas? Si le concept a un rapport quelconque avec ce qu’on appelle la négritude africaine ou antillaise, c’est une extrapolation. Malgré des aperçus extrêmement féconds sur la littérature contemporaine, une relecture critique en particulier des derniers livres de Glissant s’impose. Dans le même volume, on trouve l’affirmation qu’en Amérique “l’abolition s’étend sur une longue période (à peu près de 1830 à 1868)” (ibid., p. 15), laissant de côté à la fois Cuba et le Brésil dont les abolitions datent respectivement de 1886  et de 1888, de vingt ans plus tard. Enfin la définition du baroque - “le baroque, qui est d’abord une réaction à la Contre-Réforme en Europe, s’est naturalisé dans le monde” (ibid., p. 51) - semble confuse et jusqu’à un certain point une inversion du concept, le baroque réagissant contre la Réforme protestante et s’imposant dans les pays catholiques qui soutiennent la Contre-Réforme.
25. Dans une interview enregistrée, de 1987 (inédite).
26. Notons que des coquilles se glissent dans l’Anthologie de Mario Pinto de Andrade à ce sujet: Casildo G. Thompson (et non pas Casillo, p. 227, p. 436), sa date de naissance est 1856 et non pas 1910. Enfin son poème cité est de 1878.
27. Voir, à ce sujet, MAXIMIN, Daniel. Les fruits du cyclone. Une géopoétique de la Caraïbe. Seuil, 2006.
28. Voir “Un grand poète noir”, de Breton.
29. Voir “Orphée noir”, de Sartre.
30. Sans prétendre ici nullement commenter les traductions en italien, notons que le passage “que sa majesté daigne regarder dans mon anus pour voir/ s’il contient des diamants”  est traduit pudiquement “sua magestà si degni explorar la mia boca per vedere quanti/ carati contiene”. Signe de problème avec l’éditeur? Mais la fouille humiliante des travailleurs dans des mines africaines de diamants disparaît au profit d’une bouche moins choquante dans la version en italien.
31. De multiples liens rattachent Mario de Andrade à la Guinée. De 1978-1980, Mario de Andrade est ministre de l’Information et de la Culture en Guinée-Bissau.
32. La bibliographie consultée manque au volume II, organisé par Leónard Sainville sur les prosateurs.
33. Pier Paolo Pasolini, La resistenza negra, in Mario De Andrade, Letteratura negra: La poesia, traduzioni di Rino Dal Sasso, Vanna Gentili, Stefania Piccinato, Rosa Rossi, Antonello Trombadori. Roma, Editori Riuniti, 1961, pp. XV-XXIV
34. Poesie a Casarsa, Libreria Antiquaria Mario Landi, Bologna 1942.
Poesie, Stamperia Primon, San Vito al Tagliamento 1945.
Diarii, Pubblicazioni dell'Academiuta, Casarsa 1945 (ristampa anastatica 1979, con premessa di Nico Naldini).
I pianti, Pubblicazioni dell'Academiuta, Casarsa 1946.
Dov'è la mia patria, con 13 disegni di G. Zigaina, Edizioni dell'Academiuta, Casarsa 1949.
Tal còur di un frut, Edizioni di Lingua Friulana, Tricesimo 1953 (nuova edizione a cura di Luigi Ciceri, Forum Julii, Udine 1974).
Dal diario (1945-47), Sciascia, Caltanissetta 1954 (nuova edizione 1979, con introduzione di L. Sciascia, illustrazioni di Giuseppe Mazzullo)
La meglio gioventù, Sansoni (“Biblioteca di Paragone”), Firenze 1954.
Il canto popolare, Edizioni della Meridiana, Milano 1954.
Le ceneri di Gramsci, Garzanti, Milano 1957 (nuova edizione Einaudi, Torino 1981, con un saggio critico di Walter Siti).
L'usignolo della Chiesa Cattolica, Longanesi, Milano 1958 (nuova edizione Einaudi, Torino 1976).
Roma 1950. Diario, All'insegna del pesce d'oro (Scheiwiller), Milano 1960.
Sonetto primaverile (1953), Scheiwiller, Milano 1960.
La religione del mio tempo, Garzanti, Milano 1961 (nuova edizione Einaudi, Torino 1982).
35. Ragazzi di vita, Garzanti, Milano 1955 (nuova edizione: Einaudi, Torino 1979, con un'appendice contenente Il metodo di lavoro e I parlanti).
Una vita violenta, Garzanti, Milano 1959 (nuova edizione: Einaudi, Torino 1979).
36. Accattone peut être considéré comme la transposition cinématographique de ses textes précédents. Ce premier long métrage décrit la misère des jeunes gens et se déroule dans la banlieue pauvre de Rome. Le tournage d'Accattone commence au mois d'avril et le film est présenté à la Mostra de Venise en septembre. 
37. Accattone, prefazione di Carlo Levi, FM, Roma 1961. Entre 1935 et 1936, Carlo Levi, écrivain et peintre, médecin de formation, vécut en exil dans le Sud de l'Italie pour ses activités antifascistes. Quelques écrivains italiens subissent d’ailleurs le même sort et deviennent “des exilés internes” dans le Mezzogiorno: Pavese en Calabre, à Brancaleone; Levi, dans les Pouilles. Carlo Levi est de nouveau arrêté en 1943. A Florence, de décembre 1943 à juillet 1944, il écrit Cristo si è fermato à Eboli.
38. Anne-Violaine Houcke, Pasolini et la poétique du déplacement, Conserveries mémorielles [En ligne], #6 | 2009, mis en ligne le 26 décembre 2009, consulté le 25 janvier 2017. URL: http://cm.revues.org/399
39. Ce poème est écrit au départ en créole martiniquais, ce que le traducteur ne signale pas.
40. Il s’agit évidemment de Carlo Levi (1902-1975) et non pas de Primo Levi (1919-1987), tous les deux Piémontais, de Turin, mais de trajectoire et de génération différentes.
41. Consulter Aimé Césaire.  Cahier d’un retour au pays natal/Diário de um retorno ao país natal. Tradução, posfácio e notas de Lilian Pestre de Almeida. São Paulo, EDUSP, 2012.
42. Voir “A trajetória do negro na literatura brasileira” in Revista do Patrimônio Histórico e Artístico Nacional Negro brasileiro negro, nº 25, 1997, pp. 159-177, avec une excellente bibliographie.
43. Le 11 novembre 1975, jour de l'Indépendance, Agostinho Neto devient le premier chef du nouvel Etat communiste, République populaire d’Angola. À sa mort, quatre ans plus tard, en 1979, José Eduardo dos Santos lui succède, même si la guerre civile limite de fait son contrôle sur le pays pendant 26 ans. Lui et son parti, le MPLA (Mouvement populaire de libération de l'Angola), ont remporté toutes les élections depuis le cessez-le-feu de 1992, et José Eduardo dos Santos est donc resté président de l'Angola sans discontinuer, jusqu’à nos jours. Pour la première fois, depuis 1979, 48 ans plus tard de son ascension au pouvoir, le président José Eduardo dos Santos annonce qu’il ne se présentera pas aux élections de cette année.
44. Le 11 mai 1974, à Brazzaville, Mario Pinto de Andrade et son frère Joaquim fondent “Revolta Activa”, courant qui s’oppose à la direction autoritaire d’Agostinho Neto au MPLA; ils revendiquent la démocratisation du mouvement. Les deux frères sont poursuivis et, avec d’autres militants, doivent quitter le pays. Après Revolta Activa, Mario Pinto de Andrade ne reviendra plus vivant en Angola. Au moment de sa mort, en août 1990 à Londres, on lui fit des funérailles officielles à Luanda. Un dossier important est à la disposition des chercheurs à la FMS et peut être consulté sur Internet; il comporte plusieurs cahiers manuscrits. Le 3 septembre 1974, un accord est signé avec Agostinho Neto: on peut consulter un cahier intitulé “L’épineuse question de l’unité au sein du MPLA”. L’Appel initial est connu par la désignation “Documento dos 19 ” ou “Apelo dos Dezanove”. José Eduardo dos Santos est l’héritier naturel d’Agostinho Neto (1922 - 1979).
45. Manuel Ferreira après son service militaire au Cap Vert, a vécu également à Goa (Inde portugaise) et en Angola.

*****

LILIAN PESTRE DE ALMEIDA (Brasil, 1936). Ensaísta. Página ilustrada com obras de Valdir Rocha (Brasil, 1951), artista convidado desta edição de ARC.


*****

● ÍNDICE # 103

Editorial | Os horizontes não param de brotar

ESTER FRIDMAN | Como tornar-se uma obra de arte - a escultura de si mesmo

GABRIEL JIMÉNEZ EMÁN | Algunas variaciones  sobre la metamorfosis de Franz Kafka

HAROLD ALVARADO TENORIO Piedra y Cielo 1936-1942

LILIAN PESTRE DE ALMEIDA | O teatro de Aimé Césaire: Une saison au Congo

LILIAN PESTRE DE ALMEIDA | Pier-Paolo Pasolini et l’anthologie de Mario Pinto de Andrade sur la poésie nègre de langue portugaise

MARIA LÚCIA DAL FARRA | Florbela Espanca e Ada Saffo Sapere: Alentejo e Reggio Calábria no feminino

OSCAR JAIRO GONZÁLEZ HERNÁNDEZ | En la muerte de Germán List Arzubide (1898-1998)

OSCAR JAIRO GONZÁLEZ HERNÁNDEZ | Meditaciones antimetafísicas

PIER PAOLO PASOLINI | La Résistance nègre

ROXANA RODRÍGUEZ | Rubén Sicilia y el Teatro del Silencio

ARTISTA CONVIDADO | VALDIR ROCHA | ELVIO FERNANDES GONÇALVES JUNIOR | Valdir Rocha, um olhar sobre o abismo

*****

Agulha Revista de Cultura
Número 103 | Outubro de 2017
editor geral | FLORIANO MARTINS | floriano.agulha@gmail.com
editor assistente | MÁRCIO SIMÕES | mxsimoes@hotmail.com
logo & design | FLORIANO MARTINS
revisão de textos & difusão | FLORIANO MARTINS | MÁRCIO SIMÕES
equipe de tradução
ALLAN VIDIGAL | ECLAIR ANTONIO ALMEIDA FILHO | FEDERICO RIVERO SCARANI | MILENE MORAES
os artigos assinados não refletem necessariamente o pensamento da revista
os editores não se responsabilizam pela devolução de material não solicitado
todos os direitos reservados © triunfo produções ltda.
CNPJ 02.081.443/0001-80







Nenhum comentário:

Postar um comentário