La cosmogénèse perpétuelle, issue de la méditation solitaire
de Verónica Cabanillas Samaniego
et de ses expérimentations avec l’automatisme gestuel, correspond à une recréation
de soi. Tout est sans cesse à recommencer, sans perspective apocalyptique.
En moins d’une microseconde après le Big Bang, soit juste avant l’émission du rayonnement fossile, un atome s’est
formé dans l’inconscient ou le plasma primordial. Dans la forteresse d’Ollantaytambo,
un monument commémore l’émeute moléculaire qui a eu lieu pendant les minutes ayant
suivi cette nucléosynthèse surréaliste.
Au début de l’histoire de l’univers, le carbone est le résultat des réactions thermonucléaires qui
ont eu lieu au cœur d’un soleil pluridimensionnel (phénomène céleste exceptionnel).
Les étoiles sont avant tout des baies… Les dieux sont les désirs de la matière,
à l’échelle du microcosme et du macrocosme.
Certaines molécules organiques, formées
grâce à la collision des atomes des nuages interstellaires avec les particules du
rayonnement cosmique, se sont combinées à celles qui baignaient dans l’océan originel
de la nouvelle Terre. Les premières
cyanobactéries, ainsi produites, commencent à modifier l’environnement de cette
planète de manière irréversible et bientôt, deux démons végétaux se dissolvent dans une
étreinte. Les plantes prolifèrent librement parmi les vagues pétrifiées.
C’est donc sous une atmosphère riche en utopie que, dotés d’un
exosquelette, les premiers monstres animaux apparaissent, s’adaptant au milieu mytho-onirique
dans lequel ils évoluent. Un insecte abyssal aveugle suit instinctivement le déplacement
des courants telluriques.
Par la suite, c’est la physionomie humaine qui est réinventée,
s’adaptant aux cataclysmes élémentaires que suscitent périodiquement les rythmes
convulsifs de la vie intérieure. Dans une scène d’un vieux film comique muet, un
automate humanoïde se penche pour observer attentivement la disposition spatiale des yeux et de la
bouche sur un fragment de masque antique : celui de “l’Inca mutilé des doigts /
qui pour idée avait un bras”, [1] du
songe duquel le corps d’Antonin Artaud a été éjecté.
Les “villes cosmiques” conçues par Verónica
Cabanillas Samaniego forment, à l’image de son esprit, un intermédiaire entre le
microcosme et le macrocosme. La disposition urbanistique de leurs édifices imite
donc autant la structure véritable de l’atome que celle de l’univers manifesté.
La construction d’un complexe d’appartements en glace, d’un mausolée pour une étoile
et d’un escalier géomagnétique réactualisent certains principes de l’architecture
sacrée précolombienne.
“Ce vent cosmique qui a touché mon esprit
dans ce voyage torrentiel de dévastation de moi-même, ces marées de feu gelé sur
le désert brûlant de cette côte primitive ne cesseront jamais de brûler en moi ou
dans le grand Pakatnamu ou peut-être le mal de la guerre a secoué un Huáscar, un
corps démembré dans l’océan d’une terre à construire.” [2]
Comme la bobine de Nikola Tesla et l’accumulateur
d’orgone de Wilhelm Reich, cette machine surréaliste emploie de mystérieuses sources
d’énergie renouvelables et non-polluantes. Elle matérialise le rêve d’une technologie
réintégrée harmonieusement avec la nature, de même que l’espoir de la fin de l’actuel
règne destructeur du capitalisme industriel.
DAVID NADEAU | Verónica
Cabanillas Samaniego: in the beginning was lightning...
In the beginning was Lightning.
The perpetual cosmogenesis, resulting
from the solitary meditation of Verónica Cabanillas Samaniego and her experiments
with gestural automatism, corresponds to a recreation of the self. Everything has
to be started over and over again, without any apocalyptic prospect.
In less than a microsecond after the
Big Bang, just before the emission of the fossil radiation, an atom formed in the
unconscious, or the primordial plasma. In the fortress of Ollantaytambo, a monument
commemorates the molecular riot that took place in the minutes following this surrealist
nucleosynthesis.
Some organic molecules, formed by the
collision of the atoms in the interstellar clouds with the particles of the cosmic
radiation, combined with those that were bathed in the original ocean of the new
Earth. The first cyanobacteria, thus produced, begin to alter the environment of
this planet irreversibly and soon, two vegetal demons dissolve in an embrace. Plants
proliferate freely among the petrified waves.
It is therefore under an atmosphere rich
in utopia that, equipped with an exoskeleton, the first animal monsters appear,
adapting to the mytho-oneiric environment in which they evolve. A blind abyssal
insect instinctively follows the movement of the telluric currents.
Subsequently, it is the human physiognomy
that is reinvented, adapting itself to the elementary cataclysms periodically aroused
by the convulsive rhythms of the inner life. In a scene from an old silent comic
movie, a humanoid automaton bends down to observe attentively the spatial arrangement
of the eyes and the mouth on a fragment of an ancient mask: that of “the Inca with
the mutilated fingers / whose only idea was an arm”, [3] from which the body of Antonin Artaud was ejected.
Each of the trapezoid shrines found in
these imaginary cities is surmounted by a rotating radar antenna, the lunar crescent-shaped
reflector of which captures the cosmic radiation. The signal, directly produced
by the reception / transmission elements included in the device, can be translated
into automatic poetry, a bit like the Morse code:
“This cosmic wind that has touched my
mind on this torrential journey of devastation of myself, these tides of frozen
fire on the scorching desert of this primitive coast will never cease to burn in
me, neither in the great Pakatnamu or perhaps the evil of war shook a Huáscar, a
dismembered body in the ocean of the land to be built. [4]
Like Nikola Tesla’s coil and Wilhelm
Reich’s orgone accumulator, this surrealist machine employs mysterious sources of
renewable and non-polluting energy. It materializes the dream of a technology re-integrated
harmoniously with nature, as well as the hope of the end of the current destructive
reign of industrial capitalism.
NOTAS
[1]. Antonin Artaud, “Ci-git, précédé de La culture indienne,
1947.
2. Verónica Cabanillas Samaniego, “Mito”. veronica-cabanillas.blogspot.com/2009/01/mito_23.html
3. Antonin Artaud, “Ci-git, précédé
de La culture indienne, 1947.
4. Verónica Cabanillas Samaniego, “Mito”.
veronica-cabanillas.blogspot.com/2009/01/mito_23.html
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Agulha Revista de Cultura
UMA AGULHA NA MESA O MUNDO NO PRATO
Número 192 | dezembro de 2021
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Artista convidado: Pablo Amaringo (Peru, 1938-2009)
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